Le 17 Avril 1918
Chers Parents
Ouf !! Je viens d’écrire cet entête de ma plus belle main, m’attardant dans les tournants et fignolant mes lettres, et maintenant je me creuse le cerveau pour ce que je pourrais vous dire d’intéressant.
Ma foi ! Je vais tout d’abord ma plaindre : je n’ai pas eu de lettres depuis 3 jours et le temps commence à être long. J’attends pour demain…
Le fameux paquet de Jeanne doit être encore au fond d’un fourgon, car je n’en vois point la couleur. Je me demande comment cela se fait. Les Richard m’avaient envoyé à l’occasion de Pâques un colis qui est parti de là-bas le 2 avril et qui m’est parvenu avant-hier. Pourquoi celui de Jeanne est-il en panne ?
A propos de colis, j’en ai reçu un le jour de Pâques de cousine Camille. Il contenait ces cakes fameux dont elle vous avait parlé pendant ma perm. C’était épatant et je les ai remerciés comme de juste.
Notre cours se poursuit. Ce n’est pas très féroce, et à part cette gymnastique Hébert (la « Bébert », comme disent la poilus) qui m’horripile, c’est assez intéressant, mais on sent que ce cours n’est pas très stable et qu’il peut être arrêté à la prochaine occasion : on ne fait rien bien à fond.
Du reste, ce n’est guerre la peine de se bourrer le crâne à fond, 4 à 5 jours d’attaque nous ferait tout oublier.
Nous faisons nos cours dans une salle d’un château qui appartient à un Marquis de l’Aigle. « Grandeur et Décadence »… des monuments !
Et le parc nous sert de terrain d’exercice.
Je vois le nez de ce brave marquis et de la vieille marquise quand ils reviendront de leur « Arcachon » ! Peut-être touchent-ils leur «allocution » d’émigrés !
En tous cas, s’ils veulent en vouloir à quelqu’un, ce sera à nos braves ( ?) Anglais qui ont fait ici des choses plutôt « shocking » ;
Maintenant c’est fini ! L’inspiration me manque ! Le flot « berceur »( !) de ma plume( !) se brise sur les falaises monotones où nous croupissons !
Vais-je maintenant vous assommer de vains discours ?
Inutile ! Le sage dit que le silence est d’or. J’en profite pour me taire, sans être plus riche pour cela, et je vous tire ma révérence.
P.Collot
Oh, Pardon, je ne suis pas un embusqué ! Pas de révérences, un garde à vous sonore ! Un salut à la chasseur ! Et … une section de baisers affectueux à tous !
C’est plus select, c’est plus chasseur. P.Collot