Bar, le 6 Octobre 1918
Mon cher ami,
Merci de votre bonne et affectueuse lettre !
Apprendre par vous la mort de mon pauvre Pierre me fut moins dur que de l’apprendre par n’importe qui. Nous sommes bien tristes, vous le comprenez mieux que tout autre, mais nous serons courageux et nous nous soumettrons à la volonté de Dieu. Si nous manquions de courage, nous n’aurions qu’à relire les lettres de Pierre, je m’en rappelle une où il nous écrivait, la veille d’une attaque : Si je tombe, ne pleurez pas, nous nous retrouverons là-haut. Il faut qu’il y en ait un qui parte le premier. Je serai le fourrier qui fait le campement.
L’avant-veille de l’attaque où il est tombé, il nous disait : Nous sommes bien fatigués, je tacherai de faire tout mon devoir, la relève sera peut-être notre récompense.
Le voilà relevé pour toujours, je crois que nous pouvons être tranquille sur son sort ; c’est une grande consolation.
Merci encore de votre lettre qui a été lue et relue ; je serai content que l’ami Etienne nous envoie la photographie de la tombe de Pierre et nous envoie le plus de renseignements possibles sur les derniers moments.
Vous me dites que Pierre est tombé le 4, je pense que c’est plutôt le 14 Septembre, sa dernière lettre est du 13.
Avec le souvenir le plus ému et le plus reconnaissant de ma femme et de mes grandes filles, veuillez me croire, cher Ami, votre bien affectueusement reconnaissant et dévoué.
J. Collot